A voir les derniers développements du très mauvais feuilleton qui tient lieu d’actualité politique au Bénin, on peut être sûr qu’il ne viendrait plus jamais à l’idée d’un Béninois sérieux et en pleine possession de toute sa raison, de militer pour l’exercice du pouvoir par un quelconque impromptu ; les impromptus se révélant hélas !, à l’œuvre, comme de dangereux imposteurs.
La constitution béninoise étant ce qu’elle est, à savoir celle d’un régime présidentiel « fort » – ceci afin d’éviter au sommet de l’Etat, comme sous d’autres cieux, de récurrents minis coups d’Etat politiciens – il est impérieux de veiller à ne mettre à la tête de l’Etat, que quelqu’un dont on peut être à peu près sûr qu’il ne fera pas de trop mauvaises surprises à ses compatriotes et trop de sottises dans la direction du pays. En somme, veiller – comme a dit l’autre – à ne pas mettre les énergies quasi-illimitées de la force publique dans les mains d’un individu incapable de maîtriser les siennes propres ou, de façon plus prosaïque, ne pas donner le pouvoir d’Etat à quelqu’un de trop fragile face à la dangereuse ivresse du pouvoir.
Thomas Boni Yayi, ses thuriféraires et les derniers imbéciles qu’il y a dans le pays mis à part, tout le monde sait à présent qu’il n’était – ni techniquement ni moralement – outillé pour devenir Chef d’Etat. A ce sujet, grande est la responsabilité de ses communicateurs, ces ignobles bonimenteurs (le cas de le dire) qui s’étaient chargés, lors de la campagne présidentielle en 2006 – avec un certain talent il faut le dire – de nous assurer que l’homme était parfaitement outillé pour le travail.
Et nous voilà aujourd’hui confronté au mauvais feuilleton susmentionné, avec dans le rôle d’acteur principal, la « créature » de ses bonimenteurs de communicateurs. Celui-là même qui, depuis avril 2006, a multiplié des signes de ce que l’ivresse du pouvoir lui a totalement brouillé l’esprit et le jugement. Et le voilà qui, le 29 janvier dernier, au terme d’un mandat à tous points de vue calamiteux, se porte tranquillement candidat pour être reconduit. Certes, c’est une candidature à laquelle tout le monde s’attendait, mais j’avoue que personnellement, elle me surprend tout-de-même un peu.
L’occasion m’a été donné en effet, en d’autres circonstances, d’affirmer que l’ivresse et l’utilisation à mauvais escient du pouvoir, ont fait de Boni Yayi un « Roi Midas à l’envers ». En ce sens que (d’après la Mythologie), tout ce que touchait le Roi Midas se transformait en or, alors que tout ce que touche Boni Yayi se transforme en… ordure ; le plus grave étant que les personnes physiques qu’il « touche » se transforment, si j’ose dire en… pantins aux ordres. Disant cela, je prie les uns et les autres de croire que je caricature à peine, les exemples étant légion.
Pour n’en prendre que le tout dernier, qui fait jaser dans tout le pays, le Roi « Boni-Midas », fort du pouvoir qu’il a de pouvoir décréter comme le Pharaon : « Que cela soit écrit… Et soit accompli !», le Roi « Boni-Midas », dis-je, a décidé soudain que les Forces Armées nationales célèbrent l’anniversaire de leur création le 28 janvier 2011, veille comme par hasard du jour de son investiture comme candidat à sa réélection. La manœuvre était grossière, suspecte de douteux calculs communicationnels, dans le sens de l’utilisation d’une fête de l’Armée nationale à des fins électoralistes. Ce qui ne manqua pas de faire réagir l’opposition, par le biais d’un communiqué de presse.
En tout cas, ce communiqué et quelques autres vives réactions suffirent pour que les plus hauts gradés de l’Armée, organisassent dans l’urgence une conférence de presse, afin de renouveler à la Nation leurs engagements de neutralité pris lors de la Conférence nationale. Hélas !, nombreux sont ceux qui remarquèrent que la Grande Muette, ainsi contrainte par le Pharaon Yayi de devenir bavarde, a eu quelques difficultés à se défendre de participer au jeu des calculs partisans du président ; quelques difficultés à faire passer l’idée que le voisinage des deux dates n’était qu’une malheureuse coïncidence, parfaitement innocente.
Il fut donc assez malaisé aux hauts gradés de l’Armée de s’expliquer avec tranquillité et sérénité.
De fait, si cela vous chante, ami lecteur, allez tenter de faire comprendre, même à un gamin de dix ans, qu’il y a effectivement coïncidence et innocence, quand la date anniversaire dont il est question, fixée à l’origine au 28 juillet de chaque année, mais qui a été fêtée le 26 octobre de chaque année pendant des décennies, le « 26 octobre » qui a été ensuite contesté pour soupçon de récupération politique au profit de la « Révolution » d’octobre 1972, qui a été finalement refixée au 28 juillet d’origine, et devait donc être normalement fêtée le 28 juillet 2010. Las !, pour des problèmes de budget, semble-t-il, la trop fameuse date fut décalée au 28 décembre 2010, puis reportée une énième fois pour d’obscures raisons !!! Allez donc faire comprendre au gamin de dix ans que les festivités de cet anniversaire décidément très fluctuant, n’aient pas pu être fixées à une date autre que le 28 janvier 2011, veille de l’investiture du président sortant. Un 28 janvier décrété journée fériée et chômée pour tout le monde, permettant aux veinards de fonctionnaires béninois, de faire un « pont » royal du vendredi 28 au dimanche 30 janvier.
Le gamin de dix ans, à qui vous tenteriez de faire avaler une telle salade, ami internaute, ne manquerait pas de vous répliquer, dans le langage fleuri des jeunes d’aujourd’hui : « Vous êtes débile ou quoi ?… Allez raconter votre bobard à d’autres ! » Et voilà comment le Roi « Boni-Midas » a réussi à transformer les grands patrons de l’Armée béninoise en galonnés débiles, raconteurs de bobards.
Mais, ces pauvres galonnés ne devraient pas trop se lamenter : eux, après tout, ne sont victimes que d’un opprobre du genre collectif, alors que d’autres compatriotes « touchés » par notre Roi « Boni-Midas », national, leur opprobre à eux, est bel et bien du genre personnel. Robert Dossou, Théodore Holo, Mathurin Coffi Nago, respectivement président de la Cour constitutionnelle, de la Haute Cour de Justice et de l’Assemblée nationale auraient de fait, individuellement, beaucoup de mal à expliquer ce qui apparaît comme leur allégeance pleine et entière au président sortant ; président sortant qu’ils semblent tout faire (et même plus !) pour transformer en président entrant, au terme du scrutin du 27 février prochain.
Le fameux scrutin du 27 février, parlons-en !
Parlons-en !, avec la consternation, l’amertume, la honte et la désolation dont vous accable le sujet si, contrairement à nombre de compatriotes, vous avez la tête et l’esprit en bon état de marche. Il y a en effet une espèce de folie collective dans l’histoire de ce scrutin précipité, planifié au terme d’un processus électoral indigne d’un pays civilisé, indigne du pays qui a inventé « La Conférence Nationale ».
Et les Béninois sains d’esprit ont vu, effarés, des acteurs politiques jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, s’entêter à agiter pendant des mois, la Liste Electorale Permanente Informatisée comme un chiffon rouge sous le nez de tous les protagonistes du scrutin. Conséquences de cet entêtement, des violations massives et répétées des lois et des modus operandi prévus pour le processus, des irrégularités multiples et multiformes, des mensonges indécents et de graves approximations ou violations flagrantes des règles établies, des prises de libertés absolument inacceptables avec les divers chronogrammes et le calendrier général.
Résultats des courses ?… En dehors des dizaines de milliers d’électeurs potentiels non inscrits – ou du moins inscrits sur des cahiers d’écoliers (!) en divagation sur le territoire national – en dehors de cette donne aussi ubuesque qu’inénarrable, une impasse juridique aussi inédite qu’inconcevable !!! Impasse au-dessus de laquelle trônent, imperturbables, les membres de la Cour Constitutionnelle avec, à leur tête, sa Majesté Robert Dossou. Celui-là, on peut s’étonner qu’il ne semble pas encore réaliser qu’il a définitivement soldé les résidus de considération qui lui restaient, du fait de son rôle dans la préparation de la Conférence Nationale, et qu’il se prépare à présent à titre personnel, une place de choix dans les poubelles de l’Histoire.
En tout cas, cette impasse juridique aussi inédite qu’inconcevable, quelqu’un l’a analysée, et je m’en voudrais de ne pas partager avec ceux qui ne l’ont pas encore lue, cette analyse lumineuse d’un compatriote, le sieur Nourou-Dine Saka Saley : (http://myreadineblog.blogspot.com/2011/01/les-béninois-ne-voteront-pas-le-27.html). C’est à la lecture d’une analyse de ce haut niveau de clarté et de précision, que l’on se persuade – à propos de l’actuelle folie nationale collective – que tout n’est peut-être pas tout à fait perdu dans ce foutu petit pays appelé Bénin ; que l’on se persuade également qu’ils sont véritablement en train de dépasser les bornes, nos fameux PTF, les incontournables Partenaires Techniques et Financiers dont la position, aussi irresponsable qu’incompréhensible, a consisté à approuver et à financer avec une belle constance et détermination la réalisation de la LEPI, en dépit du bâclage patent du processus et même en dépit du bon sens le plus élémentaire. Saurons-nous jamais pourquoi nos chers PTF nous donnent des tapes amicales dans le dos, alors qu’ils voient bien que nous sommes à l’extrême bord du précipice ?
Mais revenons au scrutin précipité du 27 février !
On se doute bien que cette précipitation, qui a en fait complètement verrouillé l’impasse juridique que dénoncent et déplorent les initiés (comme monsieur Saka Saley), fait partie d’un plan global visant à faire réélire le Docteur-président dans une grande confusion propice à toutes les manipulations, à tous les « miracles », en ce qui concerne la Cour constitutionnelle.
Faire réélire le Docteur-président !!! Nul ne saura jamais, peut-être, ce qui a pu persuader Robert Dossou et la bandera des six autres « Sages » de la Cour, de s’investir d’une telle mission. Je crois l’avoir dit plus haut, nul besoin de sortir de Sciences Po ou d’une Haute Ecole de Psychologie comportementale, pour savoir que le Docteur-président n’est outillé ni techniquement ni moralement, pour le travail de président.
Je ne reviendrai pas en détail sur les divers scandales qui ont émaillé son mandat erratique finissant à savoir : Mise à mort de la Filière coton en dépit des dizaines de milliards engloutis. Filière dont il prétendait pourtant vouloir doubler la production au bout d’un an – Détournement quasi-officiel des frais d’Escorte des véhicules d’occasion – Affaire Cen-Sad, avec surfacturations en pagaïe et plusieurs dizaines de milliards en folie – Aéronef présidentiel d’origine incertaine, restauré à coups de milliards mais qui n’a pu, en tout et pour tout, faire qu’un aller-retour Abuja/Cotonou – Machines agricoles censées donner le top à une certaine Révolution Agricole, mais dont l’opinion ne retient au final qu’elles étaient usagées et inutilisables, ayant été pourtant copieusement surfacturées – Gestion surréaliste de la disparition d’un haut cadre de la Nation, le sieur Pierre Urbain Dangnivo, etc.… etc.
Mais je réalise que je suis en train de ne pas tenir parole : ne pas revenir sur les scandales. Je vais donc arrêter cette interminable et déprimante énumération, et me contenter de répéter – au grand dam de ses thuriféraires – que le Docteur-président n’est pas outillé pour la fonction présidentielle. Ni techniquement ni moralement, je persiste et signe. Pour illustrer la chose, je me contenterai de citer deux exemples :
Techniquement, il est inconcevable qu’un Docteur en Finances et Economie, qui insiste d’ailleurs pour qu’on lui donne systématiquement du « Docteur », ait pu donner sa caution pleine et entière à des collectes illégales d’argent, ait pu recevoir en audience tout à fait officielle à la présidence de la République, certains promoteurs majeurs de cette activité aux antipodes de toute orthodoxie bancaire ou financière. Il est inconcevable qu’il ait pu laisser prospérer pendant quatre longues années, cette escroquerie de niveau industriel, qui a délesté de plus de 150 milliards de francs Cfa, ses compatriotes notamment les plus démunis ; Il est inconcevable qu’en dépit de ses promesses de faire rembourser les victimes, rien n’ait pu être fait depuis cinq mois. De même qu’il est inconcevable qu’après une forfaiture d’une telle envergure, il ose demander qu’on lui fasse encore confiance, et qu’on lui confie un nouveau mandat. Le culot à un tel degré, ce n’est plus du culot : c’est carrément Les Beaux Arts.
Moralement, il est inconcevable qu’à la suite de l’annonce de la candidature d’Abdoulaye Bio Tchané, Thomas Boni Yayi – qui récite pourtant de grosses quantités de Pater Noster et Ave Maria à longueur de journées – envoie un courrier incroyable à ses pairs de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, demandant son limogeage immédiat de la tête de la Banque Ouest Africaine de Développement. C’était mesquin, c’était inélégant, c’était odieux et surtout, c’était honteux. Honteux parce que le camouflet à lui infligé par ses pairs – avec un « niet » catégorique à sa requête – ce camouflet est à la hauteur de la mesquinerie et de l’inélégance : Il avait été en effet lui-même exactement dans le même cas de figure en 2006, lorsqu’il se portait candidat à la présidentielle de son pays. Personne à l’époque ne demanda son limogeage de la BOAD, la procédure étant que c’est après confirmation de candidature par la Cour constitutionnelle, que tout candidat devrait envoyer un courrier aux Chefs d’Etat pour information et demander à être remplacé. A propos de ce qui se passa en 2006 le concernant lui-même, Thomas Boni Yayi a décidé de jouer les amnésiques ; et ce sont ses pairs qui, en ricanant sûrement, se sont chargés de lui raviver la mémoire. Le plus officiellement du monde.
Pour ma part, je suis persuadé que certains parmi ces pairs-là – en dépit de toutes leurs tares personnelles – ont probablement pensé dans le secret de leur cœur : « C’est quand même incroyable !… Vouloir nuire à ce point à un compatriote, injustement, hors de tout cadre légal et dans une instance internationale et ceci, pour mettre toutes les chances de son côté dans la conservation de son fauteuil !!!… Ce bonhomme-là n’est pas un cadeau pour les Béninois ! »
Et c’est bien là, ce que je disais au départ à savoir que : parce que la constitution du Bénin a doté le pays d’un régime présidentiel trop fort, il est impérieux que les Béninois veillent à ne plus jamais remettre le Pouvoir d’Etat de leur pays, dans les mains d’individus n’ayant pas le pouvoir de résister à la dangereuse ivresse du Pouvoir.
C’est ce que je crois.
