Une probable vente de chars à l’Arabie saoudite a déclenché une vive polémique en Allemagne où l’opposition et des membres du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel la considére comme une infraction aux règles d’exportation.
La nouvelle a immédiatement suscité de vives réactions dans l’opposition et parmi les commentateurs allemands qui soulignent que Riyad a récemment aidé à mater le mouvement de protestation populaire à Bahrein.
« Voilà la contribution de Merkel au printemps arabe », s’est indigné un expert en armement du parti Die Linke (ex-communiste).
« Oui, les Américains ou les Français font ce genre de commerce. Mais si la retenue allemande en matière d’exportation d’armes a un sens, alors ce doit être le cas face à l’Arabie Saoudite », estime pour sa part Kurt Kiser, le rédacteur en chef de la Süddeutsche Zeitung.
Selon l’hebdomadaire Der Spiegel, le Conseil fédéral de sécurité (BSR) a donné son feu vert à la vente de 200 chars de combat Leopard à l’Arabie saoudite, alors qu’il refusait depuis des décennies de vendre des armes lourdes au royaume.
Pour motiver son refus, l’Allemagne a toujours expliqué vouloir préserver la sécurité du régime israélien et respecter les droits de l’Homme.
Mais selon une source proche du gouvernement, citée par le Süddeutsche Zeitung le régime israélien et les Etats-Unis « ont été informés (…) de la transaction et n’ont pas formulé d’objection ».
L’information du journal bavarois est la première confirmation indirecte de l’existence de ce contrat très controversé.
« Le Conseil fédéral de sécurité se réunit en secret. A ce stade, nous ne pouvons ni commenter ses délibérations, ni ses décisions », avait déclaré lundi à la presse le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Andreas Peschke, sans confirmer, ni démentir l’information.
Les chefs de l’opposition réclament pourtant d’ores et déjà un débat au Bundestag (chambre basse du Parlement).
« Le gouvernement doit s’expliquer », selon le leader écologiste Jürgen Trittin.
« Ces décisions ne peuvent pas être prises à un moment où des personnes manifestent en faveur de la démocratie dans le monde arabe », a-t-il déclaré à la première chaîne de télévision publique ARD.
« Que le gouvernement allemand soit prêt à vendre 200 chars modernes en cette période de tension au Proche-Orient et dans la péninsule arabe témoigne d’un manque de jugement terrifiant », estime de son côté le chef des sociaux-démocrates au Parlement, Gernot Erler, dans un entretien à l’édition en ligne du journal Die Welt.
« Vendre des chars à l’Arabie saoudite à un moment où le pays envoie des blindés pour aider à écraser un mouvement pacifique à Bahreïn est un camouflet infligé aux mouvements pour la liberté des pays de toute la région », ajoute-t-il.
Des unités essentiellement saoudiennes de la force commune du Conseil de coopération du Golfe persique (CCGP) ont été envoyées dans cet archipel minuscule mais stratégique pour protéger les installations vitales de ce royaume.
Dans les rangs de la chancelière, des voix critiques se font également entendre. Une telle vente d’armes irait à l’encontre des règles en vigueur sur les exportations d’armes aux pays en proie à l’instabilité, reconnaît le chrétien-démocrate (CDU de Mme Merkel) Ruprecht Polenz qui dirige la commission parlementaire des Affaires étrangères.
La commande de 200 chars Leopard 2A7+, un blindé de 55 à 62 tonnes équipé d’un canon de 160 mm, pourrait rapporter des milliards d’euros à l’industrie allemande de l’armement, notamment aux entreprises allemandes Kraus-Maffei et Rheinmetall, selon l’hebdomadaire Der Spiegel.
Les Saoudiens étaient en contact avancé avec une filiale espagnole de General Dynamics qui fabrique ces chars sous licence, mais une grande partie de cette commande devrait venir d’Allemagne, selon l’hebdomadaire.