Porte-parole officiel du président Laurent Gbagbo, Koné Katinan revient sur les propos d’Alassane Ouattara le 6 août dernier, notamment au sujet de son appel au retour des exilés et de ses allusions à la souveraineté de la Côte d’Ivoire, maltraitée ces derniers mois. Il évoque également la question de la santé du FPI.
Vous avez suivi, sans doute avec beaucoup d’attention, le discours du 6 Août d’Alassane Ouattara. En tant que porte parole du président Gbagbo, en contact par divers moyens avec lui, quelles sont vos observations à la suite de cette allocution ?
Ma première observation, c’est que je me rends compte qu’après plusieurs hésitations, le président Ouattara se rend compte que la Côte d’Ivoire a vraiment besoin de réconciliation. Il rejoint en cela le président Gbagbo qui a dit, dès lors qu’il a été arrêté par l’armée française, que nous abordions désormais la partie civile de la résolution de la crise ivoirienne. En demandant aux exilés de revenir, M. Ouattara admet qu’en dépit de tout ce qu’on peut dire, le problème ivoirien n’est pas réglé. Et il faut le régler.
On constate toutefois qu’entre ce que le président Ouattara dit et ce qui a cours dans les faits, il y a un vrai décalage. Et c’est ce décalage qui brouille la lecture de ses propos et qui fait qu’on peut être amené à douter de leur sincérité. Je n’irai pas jusque là mais je constate tout simplement que la veille de la diffusion de son discours, c’est-à-dire le 6 août, les personnes qui étaient détenues à Katiola et à Bouna ont été formellement inculpées.
Dont le président du parti, Pascal Affi N’Guessan. Quand le président du parti est inculpé, le président Gbagbo qui a assumé les fonctions de chef d’Etat est lui-même arrêté, au moment où l’on s’attendait à des actes forts de réconciliation de la part des nouvelles autorités, admettez qu’on est en droit d’avoir des inquiétudes sur les discours d’Alassane Ouattara.
Je remarque aussi qu’on fait des efforts inutiles, des dépenses d’énergie énorme, à vouloir réconcilier les Ivoiriens sans Laurent Gbagbo. Pourtant, pour moi, c’est un préalable absolu. Il y a eu une élection en Côte d’Ivoire, et deux personnes qui ont été proclamées élues, des investitures de part et d’autre. Il y a eu une énorme cassure.
On ne peut pas passer tout ça par pertes et profits et faire une réconciliation en dehors du président Gbagbo. Cela me paraît impossible, c’est même contre le bon sens. La main tendue dont il parle doit être tendue vers le président Gbagbo. On aurait été convaincu s’il disait qu’il prenait l’engagement d’entamer le dialogue avec celui qu’il aime bien appeler « mon frère Laurent » pour trouver des solutions à la crise ivoirienne. J’ai attendu cette annonce en vain. Ce qui fait que je reste sur ma faim. Ceux qui sont en exil le sont parce qu’ils se reconnaissent en quelqu’un qui est en prison ! S’il est libéré, il sera tout à fait évident que les autres rentrent ! Ne tournons pas autour du pot. L’essentiel est que Ouattara a absolument besoin d’engager un dialogue franc avec Gbagbo.
Dans son adresse à la nation diffusée par voie de presse, Laurent Gbagbo a beaucoup parlé de la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara a également évoqué cette notion. Quel sens avez vous donné à cette sorte de “réplique” de Ouattara à Gbagbo?
Sur la souveraineté, Gbagbo a donné la profondeur de ce qu’il entend par ce concept. On ne peut pas dire aujourd’hui qu’on est pour la souveraineté d’un Etat, lorsque dans la réalité des faits, la présence trop forte de la France apparaît comme dérangeante. Nous sommes tout de même au XXIè siècle, à 51 ans d’indépendance.
On ne peut pas parler de la souveraineté de la Côte d’Ivoire en confiant l’essentiel de sa vie à un autre pays. Si le président Ouattara a repris ce thème, c’est qu’il sait que le débat sur la souveraineté de la Côte d’Ivoire est réel. Mais on ne peut pas le régler en négociant de nouveaux accords de coopération militaire avec la France, quand des conseillers militaires français sont au Palais présidentiel, quand l’armée française assume des missions de police à Abidjan, ce qui est tout de même un des devoirs régaliens de l’Etat ! C’est cela qui perturbe l’esprit.
Je souhaite que le discours de Ouattara soit suivi d’actes allant dans le sens de la réaffirmation de la souveraineté de notre pays. De l’extérieur, nous sommes mal vus. Comment un pays qui a fait des efforts des années durant pour sortir de la vassalisation puisse aujourd’hui donner tous les signes de ralliement à cette puissance- là ? Ce n’est pas un problème de Gbagbo ou de Ouattara, c’est un problème de la Côte d’Ivoire. Vous trouverez des gens pro-Ouattara qui le pensent mais qui ne peuvent pas le dire. Comme vous trouverez des pro-Gbagbo qui le pensent.
Très peu d’Ivoiriens admettent que leur pays soit soumis à une nouvelle forme de recolonisation. Je suis heureux que le président Ouattara soit revenu sur la question.
En tant que porte-parole du président Gbagbo, que pensez vous des nominations récentes au sein de l’armée qui ont été critiquées par les organisations de défense des droits de l’homme dans la mesure ou elles faisaient la part belle aux anciens Comzones ?
Cela traduit le paradoxe de la réconciliation dont on parle. J’aurais été à la place de M. Ouattara, qui a une grande responsabilité dans la construction de l’unité nationale, je n’aurais pas fait comme lui. Car l’armée a des règles ! Il y a des officiers anciens, qui ont été formés pour exercer ce métier ! De plus, ces nominations violent les accords de Ouagadougou.
Ces personnes qui ont été nommées sont des Ivoiriens, et je n’ai rien contre elles, mais les accords de Ouaga, qui ont fondé le processus électoral, disaient qu’à la suite des élections, tous ces Comzones devaient être admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Dans la pratique, ce n’est pas cela. Ces Comzones ont été confirmés ! C’est dans ce contexte que le président Gbagbo a dit que les militaires FDS ne doivent pas nourrir le complexe d’une armée vaincue. En effet, ils ont mené des combats difficiles, dans des conditions difficiles, face à une coalition d’armées étrangères. Aujourd’hui, celui qui est chef d’Etat, pour des raisons qui lui sont propres, fait ces nominations. Il a sans doute ses raisons, mais personnellement j’aurais procédé autrement. On peut penser que ces nominations sont une prime à la violence contre l’Etat.
Le tragique accident du bus 19 a malheureusement été l »occasion d’interprétations politiciennes. La presse proche du nouveau pouvoir accuse le président Gbagbo d’avoir acheté des bus qui n’étaient pas de bonne qualité…
S’il vous plaît… Des personnes, des Ivoiriens sont décédées dans des conditions dramatiques. Il faut avoir la décence de ne pas donner des explications politiciennes à des drames aussi graves. Cela nous discrédite, discrédite la Côte d’Ivoire vis-à-vis de l’extérieur. On peut haïr quelqu’un mais il y a des limites à ne pas franchir. C’est indécent et injurieux pour les personnes décédées. Je préfère ne pas m’attarder là-dessus. Au nom du président Gbagbo, je viens de faire un message de condoléances, de compassion aux populations. Restons humains. Même dans l’adversité, restons humains. Et respectons la mémoire de ceux qui sont décédés.
La presse ivoirienne est touchée en plein coeur. Avec l’incarcération d’Hermann Aboa, qui vient s’ajouter à d’autres confrères comme Frank Anderson Kouassi, Gnahoua Zibrabi, Serge Boguhet et Germain Guézé. Tous incarcérés. Sana oublier l’assassinat de Sylvain Gagnétaud…
Il n’est pas bon qu’un pouvoir politique emprisonne des journalistes. Ces actes ne rassurent pas et ne donnent pas de bons signaux aux Ivoiriens et à la communauté internationale. Toutes ces personnes qui sont arrêtées doivent être libérées. Les Ivoiriens ont besoin de réconciliation.
Dans sa déclaration, le président Gbagbo a demandé de libérer tous les prisonniers politiques. Et affirmé que c’est lui et lui seul qui doit répondre du mandat que les Ivoiriens lui ont confié. Hermann Aboa est un jeune, un père de famille. Il n’a fait que son devoir professionnel…
Le FPI est désormais dirigé par Sylvain Miaka Oureto, président par intérim. Certaines personnes considèrent que les initiatives du parti en Côte d’Ivoire sont assez molles. Le FPI «de l’intérieur » ne demanderait pas assez clairement la libération des personnes incarcérées et tarderait à reprendre sa place sur l’échiquier national. Qu’en dites vous ?
Nous ne devons pas oublier que nous traversons une période d’exception, une situation difficile. Le parti est en pleine tempête. La violence avec laquelle le parti a été attaqué est extrême : le président du parti est en prison, le fondateur et les deux vice-présidents du parti aussi. L’ancien secrétariat général est en prison ou en exil. Je comprends les difficultés qu’éprouvent les camarades sur le terrain, dans un climat de terreur. Je leur tire mon chapeau. En même temps, je voudrais dire que le FPI est un parti de combat. Quelle que soit l’adversité, nous devrons garder cela à l’esprit. Nous sommes porteurs d’une espérance. Il ne faut pas que nous faiblissions devant l’adversité. Il faut que nous retrouvions le FPI que nous avons connu : un parti de combat, qui ne recule pas devant l’adversité.
La direction du FPI en exil est elle en contact avec les exilés disséminés dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et dont la situation humanitaire semple assez préoccupante ?
Bien sûr. La direction du parti en exil a fait une tournée dans les camps de réfugiés. J’en ferai autant au nom du président Gbagbo. Nous sommes en contact permanent avec ces personnes. Nous devons oeuvrer pour leur apporter notre compassion, notre solidarité, face à la situation humanitaire difficile qu’ils traversent. Quand vous voyez les camps de réfugiés où vivent les Ivoiriens, quelle que soit votre force, vous laissez échapper quelques larmes. Nous essayons de les aider dans la limite de nos moyens. Et de préparer leur retour au pays. La direction du FPI en exil le fait déjà très bien.
En tant que porte-parole du président Gbagbo, comment jugez vous le retour en Côte d’Ivoire d’officiers en exil, notamment le colonel-major Boniface Konan ?
Le président Gbagbo a rendu un vibrant hommage aux militaires lors de sa dernière déclaration. A ces personnes qui ont combattu pour la liberté et la souveraineté de notre pays. Dans des conditions très difficiles. Ils n’ont pas été vaincus par l’ennemi officiel, mais par une coalition de puissances étrangères qui ne s’est pas déclarée officiellement ennemie. Si un militaire estime que les conditions sont réunies pour qu’il rejoigne sa famille, le président Gbagbo, qui était leur chef, n’a rien à lui reprocher. Pourvu que ceux qui rentrent retrouvent leur unité, participent au rétablissement de la cohésion sociale. Ils doivent le faire, mais sans avoir le comportement d’une armée vaincue. Ils doivent participer à la construction de la Côte d’Ivoire la tête haute. Et non le profil bas.
Communiqué de presse
Nous avons pris connaissance de la mise en vente de timbres postaux à l’effigie du Président Laurent GBAGBO et de son épouse qui sont apposés sur des cartes postales pré-imprimées et adressées au Président SARKOZY, émanant d’une association dite Côte d’Ivoire Coalition, Inc., se réclamant proche du Président Laurent GBAGBO et qui militerait pour sa libération.
Le Porte-parole du Président Laurent GBAGBO, Monsieur le Ministre KONE Katinan Justin, tient à rappeler que ni le Président ni son Porte-parole n’ont donné mandat à une quelconque organisation pour collecter des fonds pour sa cause. Le Porte-parole du Président Laurent GBAGBO déplore l’exploitation à des fins mercantiles que certaines personnes tentent de faire du noble combat du Président Laurent GBAGBO. Le Porte-parole fait remarquer que le Président Laurent GBAGBO a été arrêté en qualité de Chef d’Etat. Il invite par conséquent toutes les personnes qui voudraient souscrire à son combat d’observer un grand respect à son égard.
La vente des timbres à son effigie constitue une méprise grave à son endroit. C’est pourquoi le Porte-parole se réserve le droit de traduire les promoteurs de cette honteuse entreprise devant les tribunaux compétents. Le combat du Président Laurent GBAGBO a besoin de l’adhésion d’hommes et de femmes d’honneur.
Le Porte-parole invite l’ensemble des combattants pour la liberté du monde entier, qui se
sont engagés aux côtés du Président Laurent GBAGBO, à demeurer vigilants pour éviter d’être victimes d’actes d’escroquerie et d’abus de confiance.
Fait à Abidjan, le 9 août 2011.
Le ministre Kone Katinan Justin
Porte-parole du Président Laurent Gbagbo